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Alfred et Violetta : marionnette, fleur et guerrier

Le 09 novembre 2023
La Scala

Alfred et Violetta – Librement inspiré de « La Traviata »
De Rezo Gabriadze et Leo Gabriadze
Dramaturge, directeur artistique : Rezo Gabriadze Metteur en scène : Leo Gabriadze Maîtres de marionnettes : Tamar Amirajibi, Niko Gelovani, Irakli Sharashidze, Tamar Kobakhidze, Giorgi Giorgobiani, Medea Bliadze, Directeur technique : Mamuka Bakradze Ingénieur du son : David Khositashvili
Productrice : Veronika Gabriadze Traduction : Macha Zonina et Daniel Loayza

Le Théâtre Gabriadze, fondé à Tbilissi en 1981 par Rezo Gabriadze, une éminente figure du théâtre européen – qui a acquis une renommée internationale pour ses spectacles uniques mêlant marionnettes, théâtre visuel et storytelling poétique – disparue en 2021, retrouve les scènes françaises. C'est une renaissance artistique, celle de son premier spectacle, Alfred et Violetta, librement inspiré de La Traviata de Verdi. Cette pièce, désormais léguée avec grâce par l'entremise de son fils Leo, qui veille sur son œuvre, constitue un héritage à la fois émouvant et envoûtant.

Dès que l'on pénètre dans l'immensité de la salle du théâtre de La Scala, la première merveille qui attire notre regard est cette délicate petite scène, dont les dimensions se révèlent grâce à la taille du rideau qui la dissimule. Sur le rideau se déploient quelques dessins enchanteurs : un garçon s'envolant sur un avion, tenant un bouquet de fleurs, tandis qu'en dessous, une fille tente de les attraper. La manière dont ces figures sont esquissées évoque instantanément les croquis poétiques d'Antoine de Saint-Exupéry dans son Petit Prince. Ainsi, à l'instar du célèbre livre, nous sommes conviés à réveiller notre imagination, car le monde des marionnettes qui s'apprête à se dévoiler révèle une dualité captivante : adulte et enfant, amour et amitié, animal et homme, voyage et immobilité, lumière et ténèbres, bonheur et chagrin, destruction et guerre, fleur et guerrier.

Avant que le rideau ne se lève sur le spectacle, le metteur en scène, Leo Gabriadze, s'adresse au public pour présenter brièvement l’idée qui sous-tend cette représentation. Le livret de l'opéra de Verdi, La Traviata, rédigé par Francesco Maria Piave, puise son inspiration dans le roman d'Alexandre Dumas, La Dame aux camélias. L’intrigue de l’opéra suit de près celle du roman, mettant en scène une courtisane nommée Violetta Valéry et son amour avec Alfredo Germont. Par contre, l’intention de Rezo et Leo Gabriadze était de transposer cette histoire dans une autre époque : Tbilissi, la capitale géorgienne, en 1991, au cœur de la guerre civile.

Le rideau se lève, dévoilant la première marionnette. C'est un véritable moment de storytelling, avec un vieux directeur de théâtre qui entame un prologue pour nous plonger dans l'histoire. Comme le souligne souvent le metteur en scène italien, Carlo Boso, les spectateurs, dès le début, attendent une histoire, revenant à leur enfance pour retrouver ce sentiment de vivre à travers une narration. Ainsi, dès la première scène, le public redevient véritablement l'enfant impatient d'entendre le récit d'Alfred et Violetta. Notons d'ailleurs que le choix d'introduire le spectacle avec le dispositif de théâtre dans le théâtre est une structure qui sera magistralement réemployée à plusieurs reprises tout au long de la représentation.

Nous sommes deux mois avant le début de la guerre civile. L'histoire débute dans une petite ville, le lieu de naissance de Violetta, une belle jeune fille orpheline que l'on aperçoit sur le petit balcon de son immeuble. Devant ce dernier, une voiture appartenant à son grand-père est recouverte de camélias. L'aspect des objets qui définissent le cadre de l'action évoque un véritable conte, avec des couleurs éclatantes et des formes déformées révélant un monde imaginaire et magique. Violetta, en quête de l'amour de sa vie, se voit assistée par son ami, Coucou, chargé de partir à la recherche de son futur mari, la première personne rencontrée devenant l'élu. Il est remarquable de voir comment les décors changent pour alterner les lieux de l'action. Les maîtres de marionnettes manipulent de manière exceptionnelle non seulement les marionnettes elles-mêmes, mais aussi la scénographie et tous les éléments du décor (cependant, il est à noter que les voix sont enregistrées).

Sur son chemin, Coucou rencontre un corbeau qui endosse le rôle de prophète dans l'histoire. C'est à ce moment que l'on découvre que l'amour entre Violetta et Alfred, qui se développera plus tard, pourrait rencontrer plusieurs obstacles. Alfred, astronome devant se rendre en Italie pour prouver l'existence d'une nouvelle étoile, tombe amoureux de Violetta. Cependant, face à la maladie de cette dernière, il envisage d'abandonner son projet. Le père d'Alfred, au physique rappelant celui d'Einstein, intervient et persuade Violetta de laisser partir Alfred. Ainsi, Alfred part et la guerre éclate.

La deuxième partie du spectacle est véritablement merveilleuse : les objets, tels que le train et les statues, qui prennent la parole et devinent les personnages cruciaux de l'histoire, les petites intra-scènes supplémentaires (comme celle au théâtre de La Scala à Milan où Alfred assiste à La Traviata), les scènes de chant parfois entremêlées avec les bruits de mitraille, la danse avec l'avion, les chaussures qui deviennent elles-mêmes des marionnettes… Nous sommes immergés dans un monde enchanté qui jongle entre des marionnettes de formes et de tailles variées, créant un univers merveilleux, et un monde qui devient le nôtre, marqué par la guerre susceptible de le détruire.

L'histoire oscille constamment entre le comique et le tragique, entre la joie de l'amour et le malheur entraînant la séparation, entre l'innocence et la menace imminente de la guerre. Alfred doit demeurer en Italie pendant quatre mois pour observer si l'étoile qu'il a découverte réapparaîtra. Elle réapparaît, et il la nomme Violetta. C'est alors le moment du retour… Pendant ce temps, Violetta attend la fin de sa vie dans la voiture de son grand-père recouverte de camélias, alors que sa ville est détruite par la guerre…

* Je souhaite laisser la fin de l'histoire comme une agréable surprise à découvrir

Aida Copra


© Irakli Sharashidze




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