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Welfare de Julie Deliquet

Le 11 juillet
Festival d’Avignon
Cour d’honneur du Palais des papes

Welfare
D’après le film de Frederick Wiseman
Mise en scène : Julie Deliquet
Avec : Julie André, Astrid Bayiha, Éric Charon, Salif Cisse, Aleksandra de Cizancourt, Évelyne Didi, Olivier Faliez, Vincent Garanger, Zakariya Gouram, Nama Keita, Mexianu Medenou, Marie Payen, Agnès Ramy, David Seigneur, Thibault Perriard
Création Festival d’Avignon 2023

Au cours de sa carrière, Frederick Wiseman a réalisé de nombreux films documentaires explorant une variété de sujets sociaux, politiques et culturels. Ses documentaires, à travers la méthode de « cinéma direct », plongent profondément dans le quotidien de diverses institutions et témoignent d’une minutie dans l’observation des interactions humaines. « Moi j’aime regarder les gens », affirme-t-il, « j’aime réfléchir à tout ce que je vois ».

Julie Deliquet, metteuse en scène française, a dirigé plusieurs pièces de théâtre qui puisent leur inspiration dans l'univers cinématographique, notamment Fanny et Alexandre en 2019, Un conte de Noël en 2020 et Huit heures ne font pas un jour en 2021. Pour sa dernière création, elle choisit le film de Frederick Wiseman, Welfare, réalisé en 1975. Le film raconte le fonctionnement du système d'aide sociale aux États-Unis en se focalisant sur les bureaux d'aide sociale de la ville de New York.
Le spectacle débute en décomposant l’espace pour ensuite le recomposer autrement, ou pour mieux dire, pour le dévoiler. Cette décomposition de l’espace, où sont d’abord installés les dortoirs, nous suggère le sujet de la pièce et dévoile en même temps le lieu de l’action : un grand gymnase transformé en centre d’aide sociale. Le décor se démonte donc pour laisser un espace presque vide où le jeu d'acteurs domine.

Le jeu d’acteurs est extrêmement naturaliste. Comme l’avait fait Frederick Wiseman, nous sommes également invités à observer les gens. Cela crée une forte impression de réalisme, permettant au spectateur d’avoir une vision saisissante de la réalité d’un environnement institutionnel. D’ailleurs, la présence du quatrième mur renforce cette immersion réaliste en n’empêchant pas, par contre, le public d'être témoin de l'action de manière plus intime.

Le spectacle présente un ensemble captivant de personnages variés, allant du point de vue social, psychologique, physique, au caractère et aux idéologies. Il plonge le public dans un monde riche de nuances et de tensions sociales : les interactions entre travailleurs sociaux et personnes dans le besoin, les défis et complexités de l'assistance sociale, et la dure réalité des bénéficiaires dans un environnement bureaucratique déshumanisé.
Les rapports entre les personnages, au-delà du plan dramaturgique, sont également exprimés sur le plan scénique. Le plateau de la Cour d’honneur oblige les acteurs à adapter leurs mouvements en fonction de cet espace unique. Étant donné que la scénographie (de couleur orange et vert pour créer une ambiance visuelle particulière) est figée, la trajectoire des mouvements devient la manière d’utiliser l’espace pour évoquer les dynamiques relationnelles entre les personnages : distant, séparé, marquant la prise de recul ou l'espace qui les sépare les uns des autres.

Le spectacle mêle le temps réel et subjectif pour créer une narration où l'histoire semble se diriger vers une fin, mais cette fin se révèle être une fausse conclusion. Il y a des pauses dans le déroulement – la partie de basket ou le petit intermède musical – mais elles ne sont pas de véritables entractes. Ces moments de pause se situent entre deux parties de l’histoire, donnant l'impression qu’un drame imminent ou un événement bouleversant va survenir. Cependant, au final, le bouleversement ne se produit pas, et la vie reprend son cours régulier.

Les dossiers restent sans réponse et l'histoire semble sans fin, reflétant ainsi une vision de la réalité semblable à celle de l'attente de Samuel Beckett. Une réplique évoque explicitement cette notion lorsque l'un des personnages prononce le mot « Godot », établissant un parallèle avec la célèbre pièce de Beckett, où l'attente devient le thème central.
À travers la virtuosité sur le plan du naturalisme et de la simplicité naturelle de l’interprétation, le spectacle explore ainsi les profondeurs de l'attente, de l'incertitude et de l'immuabilité de la vie, créant une atmosphère chargée d'émotions et de réflexions sur la condition humaine.

Aida Copra


© Christophe Raynaud de Lage

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