Le 20 juillet
La FabricA
Festival d'Avignon
Forever
Immersion dans Café Müller de Pina Bausch
Boris Charmatz
France - Allemagne / Création 2024
Avec l’Ensemble du Tanztheater Wuppertal, les invitées et invités* : Dean Biosca, Naomi Brito, Emily Castelli, Boris Charmatz, Maria Giovanna Delle Donne, Taylor Drury, Çağdaş Ermiş, Julien Ferranti*, Letizia Galloni, Scott Jennings*, Lucieny Kaabral, Simon Le Borgne, Reginald Lefebvre, Alexander López Guerra, Nicholas Losada, Blanca Noguerol Ramírez, Milan Nowoitnick Kampfer, Nazareth Panadero*, Héléna Pikon*, Jean Laurent Sasportes*, Azusa Seyama-Prioville, Michael Strecker, Christopher Tandy, Tsai-Wei Tien, Frank Willens, Tsai-Chin Yu
Conception Boris Charmatz
Collaboration artistique Magali Caillet Gajan
Lumière Yves Godin
Vestiaire de travail Florence Samain
Direction des répétitions de Café Müller Barbara Kaufmann, Héléna Pikon
Café Müller est une pièce de Pina Bausch
Mise en scène et chorégraphie Pina Bausch
Scénographie et costumes Rolf Borzik
Musique Henry Purcell
Droits de représentation Verlag der Autoren, Francfort-sur-le-Main, représentant la Pina Bausch Foundation
Direction technique Jörg Ramershoven
Régie plateau Dietrich Röder, Martin Winterscheidt
Régie lumière Robin Diehl, Yves Godin
Régie son Andreas Eisenschneider, Karsten Fischer
Régie de scène Andreas Deutz
Coordination costumes Anke Wadsworth
Habillage Katherina Fröhlich, Renatus Matuschowitz
Physiothérapeute Bernd Marszan
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La scène centrale est entourée de spectateurs, assis sur des bancs, par terre ou debout sur le 'balcon' qui entoure l'espace scénique en hauteur. Ce dispositif donne l'impression de se trouver dans un laboratoire, un lieu où le spectacle est en pleine préparation, où les acteurs et les danseurs cherchent les mouvements justes. C'est là que le geste naît et trouve sa plénitude sur scène.
En analysant Liberté Cathédrale de Boris Charmatz, j'ai souligné que l'on peut presque contempler la naissance de chaque geste, le voir émerger isolément dans l'espace, s’épanouir pleinement et prendre forme. On observe son point de départ, puis sa conclusion, qui n'est en réalité que le commencement d'une nouvelle genèse : le début d'un nouveau geste qui complète le précédent dans une continuité infinie.
Dans cet environnement, le temps semble suspendu. Chaque geste est à la fois un aboutissement et un commencement, une boucle infinie de création et de redécouverte. Le spectateur, immergé dans cette atmosphère quasi-laboratoire, devient témoin de la magie de la danse et du théâtre, où chaque mouvement est une œuvre en soi, un moment d'éternité capturé dans l'instant présent.
La capacité de Boris Charmatz à décomposer les gestes pour ensuite les recomposer, ou à démontrer leur naissance qui se métamorphose constamment au cours de la représentation pour revenir à son point de départ, semble illustrer son désir de travailler de cette manière sur la chorégraphie emblématique de Pina Bausch. Comme le mentionne la présentation du spectacle, c'est en assistant aux répétitions de Café Müller que Boris Charmatz a eu l'idée de Forever. Le nouveau directeur artistique du Tanztheater Wuppertal a voulu transmettre l'émotion toujours renouvelée de cette pièce mythique de Pina Bausch, qui semble commencer avant l'arrivée du public et se poursuivre après son départ.
L’immersion dans Café Müller de Pina Bausch est un retour dans le passé, permettant une meilleure connexion avec le présent. Cette création ouvre une fenêtre sur un moment particulier de l’histoire de la compagnie, nous y intégrant de manière intime et immersive. Elle enrichit notre compréhension de l'œuvre et de son contexte, nous permettant de redécouvrir la profondeur et la pertinence des thèmes abordés par Pina Bausch.
Le spectacle débute avec l’arrivée de la première danseuse dans un espace complètement vide, sans obscurité ni chaises. Il n’y a pas ce premier moment où l’on distingue à peine les mouvements du corps ; où l’on commence d’abord à entendre le corps se cogner contre des chaises alors que la lumière apparaît doucement et très lentement. La danseuse nous communique immédiatement qu’au début du processus de création, il n’y avait pas de chaises, et pourtant, imaginer Café Müller sans chaises est aujourd’hui inconcevable. Le fait que les chaises arrivent après coup, durant la création de la chorégraphie, ne nous surprend pas. Le travail de Pina Bausch était toujours une rencontre collective où elle mettait à disposition ses savoirs techniques et professionnels, laissant ensuite la liberté à ses danseurs de créer dans un laboratoire d’émotions humaines.
Ici, Boris Charmatz choisit d’introduire les objets de manière à la fois brutale et méthodique. Le plateau est alors envahi par les chaises, et la scène se construit sous nos yeux. Les danseurs, vêtus de costumes quotidiens, se plongent dans Café Müller, où l’on observe les étapes de création qui diffèrent de celles réalisées par Pina Bausch. Comme le souligne Boris Charmatz, il ne s'agit pas simplement de reproduire la danse de Pina Bausch ou de Dominique Mercy, mais de découvrir comment rapprocher leurs univers. Il s’agit de s’immerger dans l’histoire tout en reconnaissant que cette fois-ci, elle émerge dans notre présent.
Forever évoque une profonde nostalgie, particulièrement marquée dans la deuxième partie du spectacle, où les danseurs Nazareth Panadero et Jean Laurent Sasportes rendent hommage à Pina Bausch en partageant avec nous des fragments de leur expérience à ses côtés. Cette nostalgie ne se limite pas à un regret du passé, mais exprime plutôt le désir de le prolonger dans le présent. Comme le dit Boris Charmatz, Café Müller est destiné à être dansé pour toujours. La création de Charmatz peut se comparer aux chaussures que Nazareth Panadero avait laissées sur scène autrefois, mais qui sont toujours prêtes à revivre la danse. Elle reflète aussi la persistance des émotions de cette chorégraphie : l’impossibilité de se détacher et le désir de se réunir à nouveau.
Dans la dernière partie du spectacle, Café Müller est présenté dans son intégralité, nous offrant une fois de plus l’occasion d’être émerveillés par la beauté inaltérable de chaque geste et de chaque mouvement. Merci, Pina. Merci, Boris Charmatz. Pina Forever…
Découvrez mon article sur Café Müller →https://www.jevaisautheatre.com/post/café-müller-de-pina-bausch
Aida Copra
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